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Croire, le thème des prochains Entretiens de Royaumont
samedi 3 juin 2023, par
Alors que les Entretiens de Royaumont se préparent, et que nous y voyons un lieu d’intelligence sociale, le SYNPER partage avec vous sa contribution à une édition qui sera sur le thème de Croire. Si notre syndicat est laïc et que les athés, agnostiques et croyants de religions diverses s’y retrouvent, il a néanmoins une croyance commune : celle que le syndicalisme tel que nous le portons vaut le coup d’être vécu ! Et c’est cette histoire que nous vous racontons ici.
Croire. C’est un thème pour le SYNPER.
Qu’est-ce que le SYNPER ? Une nouvelle tradition syndicale. Un syndicat qui ne se prend pas sérieux. Pour preuve, lorsqu’il s’est créé, il a pris ce nom, en boutade.
« Lorsque l’on ne peut pas voir le Bon Dieu, on va voir le Saint-Père ! Pourquoi ne pas s’appeler SYNPER pour aider les personnels. Mais en prenant les trois premières lettres de SYNdicat et en y ajoutant les trois premières lettres de PERsonnel. Cela fait SYNPER. ! »
Voilà comment est né ce nom ridicule qui nous colle à la peau, mais qui, finalement, n’est pas plus bête que d’autres, comme MODEM par exemple.
Croire que l’on est différent.
« Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse », dit-on. « Et hop ! Un syndicat de plus ! Comme tous les autres, il se dit apolitique, indépendant. Dans la famille réformiste, il affirme privilégier la négociation. Il trouve ça mieux que la Révolution. » Après tout, c’est une croyance très commune, dans un monde où chacun se croit meilleur que l’autre.
Et effectivement, le SYNPER tient ses promesses et devient sur huit traditions syndicales en compétitions, dans les trois premières dans une région de premier plan et se développe un peu partout, dans le secteur public comme dans le privé. Il serait capable, peut-être, d’accéder à une représentativité nationale. Après tout, son symétrique opposé, le syndicat antihiérarchique et révolutionnaire, Sud, suit la même trajectoire.
Vivre sa croyance.
La vraie difficulté n’est pas de faire du syndicalisme. Ce n’est pas non plus de bien le faire. La vraie difficulté est de faire différemment. C’est d’innover.
Et à ce moment-là, on se retrouve face à un mur. Celui décrit lors des précédents entretiens de Royaumont sur le thème de la troisième voie, et notamment lors de l’intervention de François Julien qui portait sur la cohérence. La cohérence, c’est cette évidence que plus personne ne conteste, qui est là, comme une glue qui colle et empêche de s’envoler pour faire autrement. Le syndicalisme est une organisation qui a très peu évolué depuis la fin du 18e siècle tant dans sa structuration que dans son idéologie.
Le SYNPER vit sans aucune subvention publique
Lorsque l’on voit le coût astronomique du dialogue social en France, avoir une organisation syndicale qui émerge, se développe, prend de l’ampleur sans aucune subvention publique, c’est surprenant. Cela veut dire qu’elle a créé un modèle économique concurrent, mais surtout que ce modèle est si fort qu’il parvient à concurrencer le modèle existant, sursubventionné. Quel est alors notre secret ? D’avoir de nombreux adhérents. C’est aussi simple et aussi banal.
Ce syndicalisme d’adhérent fait que le client n’est pas l’État, mais le salarié, l’agent. Avoir des adhérents change tout. Le syndicat est à leur service. Il devient un syndicalisme de service. Il est nécessairement à l’écoute et s’adapte à la demande. Il est souple.
Ce système s’oppose au syndicalisme sursubventionné dont le véritable client n’est pas l’adhérent, mais l’État. On passe de la souplesse au rapport de force. Pour que l’état paie, il faut démontrer que l’on est un engrenage nécessaire. Pour ce faire, il est tentant de bloquer les rouages. Notamment si on n’est pas arrosé d’huile, ou plutôt en l’espèce, et avec un clin d’œil, d’argent !
Rapidement, la démocratie sociale s’oppose alors à la démocratie citoyenne. L’État doit obéir. Mais ne vous y trompez pas, l’adhérent aussi. L’obéissance aux mots d’ordre nationaux n’est pas un vain mot et c’est pour cela que l’histoire du syndicalisme et aussi une histoire de dissidence et d’exclusion.
La déréliction.
La déréliction, c’est l’état de solitude morale. C’est le sentiment ou le constat que sa croyance n’est pas partagée. C’est le début de la remise en cause d’une cohérence. C’est la divergence. Croire comme tout le monde est facile. Croire de façon singulière peut être dangereux. Durkheim, dans le Suicide, l’a bien montré. Pour évoluer, une société a besoin de gens qui pensent différemment même si elle n’a aucune reconnaissance pour eux et leur impose même avec violence son conformisme . Lorsqu’il n’y a plus de divergence, le système est figé, il n’évolue plus et meurt. Il faut qu’il y ait des personnes qui croient que les choses peuvent être faites de façon différente.
Le monde syndical se meurt. Les multiples traditions se ressemblent et s’unissent même depuis 10 ans au point d’effacer la différence entre les réformistes et les révolutionnaires. Le syndicalisme, comme toute la gauche, bascule dans l’extrémisme. Une autre offre mérite d’être proposée, non plus socialo-communiste, basée sur la Charte d’Amiens, mais défendant les valeurs libérales, si précieuses à l’heure de l’agression de la Russie contre l’Ukraine et la montée de la prédation du parti communiste chinois.
Croire que nos différences nous enrichissent.
Lors d’une assemblée générale, en Seine-Saint-Denis, les travailleurs nous exprimaient les difficultés qu’ils avaient face à la constitution de clans communautaires, excluants, où la langue est un mur supplémentaire pour s’isoler. Nous avions répondu simplement, avec calme, qu’ils pouvaient constater qu’ici, dans notre assemblée, nous pouvions échanger en toute bienveillance et dans le respect. Le syndicalisme a souvent été antireligieux ou proreligieux. Pour les uns, la religion était l’opium du peuple. Pour les autres, une source d’inspiration.
Le SYNPER ne juge pas. Il accueille avec bienveillance toutes les convictions avec pour seule limite que la conviction des uns ne doit pas marcher sur les pieds des autres. Cela a l’air évident, mais faire vivre cette conviction l’est beaucoup moins, et c’est une de nos réussites. Nous sommes le seul syndicat qui a à sa tête un représentant issu d’une minorité visible. Est-ce normal que toutes les grandes représentations syndicales soient aussi monochromes ? Cela ne correspond pas à la réalité du monde du travail.
La résonance
L’Europe est un espoir. Un phare dans le monde agité. Un refuge pour ceux qui fuient la misère, la guerre, la barbarie. Or, les Européens et plus particulièrement les Français qui envoient tant de députés européens opposés à l’Europe au parlement semblent ne pas voir cette lumière de ce phare. Peut-être parce que nous sommes juste en dessous.
Il est temps d’en prendre conscience et de réenchanter le syndicalisme non plus par une utopie destructrice, mais par un pragmatisme créateur, celui du doux commerce. Un doux commerce qui doit aujourd’hui apprendre à être écologique, avec une écologie libérale. Non pas une écologie punitive ou de décroissance, qui serait aussi mortelle pour le travailleur que l’a été le communisme, mais une écologie innovante, incluant dans la conception même du produit ou du service, sa contribution au bien-être de notre planète.
C’est cette posture qu’a adoptée le SYNPER en France offrant une tradition libérale, pour la première fois, au syndicalisme. Mais paradoxalement, ce sont les pays en voie de développement qui auraient un besoin urgent à bénéficier d’une telle vision du syndicalisme. On le dit peu, mais les références idéologiques relatives au syndicalisme des pays en développement sont archaïques. Or au même titre que les petites entreprises ne peuvent s’offrir le luxe d’un dialogue social qui se résume à une lutte permanente, les nations, elles aussi, pour se développer, ont besoin de représentants des travailleurs qui ni ne tuent pas le développement économique au nom d’un syndicalisme révolutionnaire.